

L’évasion rocambolesque d’un navire chargé de 48 000 tonnes de manganèse depuis le port minéralier d’Owendo est le symptôme d’une maladie chronique qui ronge la porte d’entrée et de sortie de l’économie gabonaise. En 2019, 353 conteneurs de kévazingo s’étaient déjà volatilisés du même port. Ces deux scandales, à six ans d’intervalle, indiquent que cette infrastructure vitale est devenue une véritable passoire.
La disparition du navire « Jacob H » battant pavillon panaméen, dans la nuit du 6 au 7 novembre 2025 est une réplique quasi parfaite, à une échelle industrielle, du « Kevazingogate ».
Dans les deux cas, le mode opératoire pointe sans détour vers une corruption endémique et une rupture totale de la chaîne de contrôle et de sécurité.
Des failles systémiques jamais comblées

L’évasion du « Jacob H » n’a pu se faire sans la participation active ou la négligence coupable d’agents portuaires, de fonctionnaires de la marine marchande et potentiellement des douanes.
Comme pour le kévazingo, où des tampons officiels avaient été apposés sur des cargaisons illégales, la corruption semble être le maillon faible qui fait sauter tous les verrous.
L’appareillage d’un tel navire exige une série d’autorisations (pilotage, remorquage, capitainerie) qui, de toute évidence, ont été soit falsifiées, soit ignorées.

Comment un navire de 130 m de long et de 32 m de large peut-il s’évaporer sans qu’aucune alarme ne soit déclenchée ?
L’absence de réaction immédiate des patrouilleurs de la Marine nationale souligne une vulnérabilité inquiétante de l’espace maritime national.
Des retombées économiques et politiques dévastatrices

Au-delà de la perte financière directe soit plus de 25 millions de francs CFA selon le court actuel du manganèse brut, les retombées négatives de cette porosité sont catastrophiques pour le pays.
Économiquement, ces scandales à répétition écornent gravement l’image du Gabon à l’international. Ils instaurent un climat de méfiance chez les investisseurs et les opérateurs économiques qui pourraient considérer le port d’Owendo comme une zone à haut risque.
La filière manganèse, dont le Gabon est le premier producteur mondiale avec 5.5 millions de tonnes produit en 2024, et qui représente environ 6 % du PIB, voit sa réputation entachée.

Politiquement, l’incapacité de l’État à sécuriser ses actifs les plus stratégiques pose une question fondamentale de souveraineté et de crédibilité.
Après le « Kevazingogate », plusieurs hauts responsables avaient été suspendus et des enquêtes lancées. Le fait qu’un vol encore plus spectaculaire puisse se reproduire envoie un signal d’impunité totale aux réseaux criminels.



